Le roi Dorémi était apprécié et respecté de ses sujets, et
le royaume était prospère. Mais la belle-sœur du roi, la duchesse Sixte, était
jalouse. Elle et sa fille Anapeste n’avaient de cesse de comploter pour tenter
de s’emparer du trône.
Un beau jour, Dorémi et Sila sombrèrent dans un profond
sommeil, dont nul ne parvint à les tirer. On fit venir nombre de médecins,
d’apothicaires, et de guérisseurs : en vain. Le roi et la reine
continuaient de dormir. Dièse était encore trop jeune pour être couronnée, et
bien que la duchesse ne fut guère appréciée au sein de la cour, elle fut nommée
régente jusqu’à ce que le roi se réveille ou que Dièse soit majeure.
La jeune princesse soupçonnait sa tante et sa cousine
d’être en lien avec la maladie du sommeil de ses parents, aussi, un soir elle
se rendit discrètement dans la salle du trône et se cacha derrière un rideau. Lorsqu’Anapeste
et sa mère y entrèrent, se croyant seules, elles se mirent à deviser.
–Anapeste, as-tu bien caché le flûtiau ?
–Oui-da ma mère ! répondit-elle. Comme vous me l’avez
demandé.
–Bien ! Ce soir, tu iras le chercher et tu te rendras
dans la chambre de cette sotte de Dièse. Tu joueras un petit morceau.
–Quelle bonne idée ma mère ! Ainsi, nul ne pourra
plus nous contester le trône !
–Anapeste ! N’oublie pas de te mettre de la mie de
pain dans les oreilles… pour ne pas entendre la mélodie, précisa la comtesse
Sixte.
–Cela va de soi, ma mère ! Et après, je replacerai le
flûtiau dans sa cachette.
ièse ne se laissa pas impressionner par cet avertissement. Elle fit son sac et quitta le château la nuit même. Profitant de la charrette de l’un ou l’autre colporteur, et coupant à travers champs, elle arriva à la forêt Harmonique au bout de quelques jours.
a jeune fille et son ami s’approchèrent de la grande maison. La porte d’entrée était immense : trois fois la taille d’un homme. Celui qui vivait ici était vraiment un géant. Ils essayèrent de pousser la porte, mais rien à faire ! Celle-ci ne bougea pas d’un millimètre. Bémol avisa une fenêtre qui semblait entrouverte. Dièse lui fit la courte échelle puis se hissa à son tour. L’intérieur de la chaumière était sombre, et l’on n’y distinguait pas grand chose, mais l’on pouvait entendre des sanglots.
ièse remercia vivement ses deux amis, et tous trois prirent le chemin du palais royal d’Arpège. A leur arrivée, des gardes fidèles à la régente Sixte tentèrent bien de s’interposer et d’empêcher la princesse de voir ses parents. Mais à la vue d’Octave, ils reculèrent prudemment.
Ayant entendu cela, Dièse s’éclipsa discrètement et se
dépêcha de retourner dans sa chambre, non sans avoir fait un détour par les
cuisines afin d’y prendre un peu de mie de pain, qu’elle plaça dans ses
oreilles.
Elle se glissa dans le lit juste à temps : Anapeste
arrivait. Cette dernière ouvrit silencieusement la porte et se mit à jouer du
flûtiau. Avec la mie de pain dans les oreilles, la jeune princesse ne pouvait
l’entendre, mais elle surveillait sa cousine à travers ses paupières mi-closes. Quand
elle la vit repartir, elle se glissa hors de son lit et la suivit à pas de
loup. La méchante fille fit un détour par un vieux puits inutilisé, au dessus
duquel elle se pencha un instant avant de reprendre sa route. Quand elle eut
disparu de sa vue, Dièse se rendit à son tour au vieux puits, et commença à
chercher. Elle ne mit guère de temps à trouver un flûtiau de belle facture,
dissimulé entre deux pierres.
Se doutant que cet instrument devait avoir un lien avec ce
qui était arrivé à ses parents, Dièse décida d’aller consulter sans tarder son
vieux précepteur : maître Onôme. Ce dernier était réputé pour sa sagesse
et ses grandes connaissances. Examinant le flûtiau, le professeur reconnu
un objet magique ancien : quiconque entendait sa mélodie s’endormait pour
l’éternité.
–L’éternité ? s’écria Dièse. Ohlala ! Mes
pauvres parents !
–Il existe peut être une solution. J’ai entendu parler d’un
diapason forgé par un géant, et qui pourrait, dit-on, réveiller même les
morts !
–Où peut-on le trouver ? s’écria Dièse qui reprenait
espoir.
–Le géant vivrait dans la forêt Harmonique, bien
loin d’ici. Mais c’est un voyage périlleux pour une jeune princesse…ièse ne se laissa pas impressionner par cet avertissement. Elle fit son sac et quitta le château la nuit même. Profitant de la charrette de l’un ou l’autre colporteur, et coupant à travers champs, elle arriva à la forêt Harmonique au bout de quelques jours.
A peine eut-elle fait trois pas dedans, qu’elle entendit
gémir. Se dirigeant vers les pleurs, Dièse tomba nez à nez avec un jeune
renard. La pauvre bête avait une patte coincée dans un piège, et se tordait de
douleur.
–Aide-moi, je t’en supplie ! glapit le renard en
voyant Dièse. Sinon je vais devoir me ronger la patte pour me libérer.
Prise de pitié, cette dernière s’escrima sur le piège tant
et si bien qu’elle finir par réussir à libérer l’animal. Hélas, la mâchoire du
piège l’avait profondément blessé. Dièse le soigna du mieux qu’elle put, mais
le pauvre continua de boiter terriblement. Il la remercia cependant chaleureusement.
–Merci ! Merci ! Tu m’as sauvé ! Sans toi
j’aurais finir par mourir de douleur. Je m’appelle Bémol, dit-il. Si je peux
t’aider de quelque façon, dit-le, et je le ferai.
–Et bien Bémol, peut être peux-tu m’aider en effet. Je
recherche un géant qui vit dans cette forêt. Pourrais-tu me conduire à
lui ?
–Oh, oui, je sais ou habite le géant. Je peux te conduire
à sa demeure, mais pourquoi veux-tu le rencontrer ? C’est dangereux !
On dit les géants très versatiles !
Dièse lui raconta son histoire, pendant que le renard la
guidait, clopin-clopant. Les deux compagnons arrivèrent bientôt en vu d’une
grande demeure en pierre attenante à une forge.
–Merci de ton aide Bémol. Je vais me débrouiller à
présent, dit Dièse.
–Je viens avec toi, répondit le renard. Je ne suis
guère rapide avec ma patte blessée, mais je suis rusé. Je te serai peut être
utile. Je te dois bien ça !a jeune fille et son ami s’approchèrent de la grande maison. La porte d’entrée était immense : trois fois la taille d’un homme. Celui qui vivait ici était vraiment un géant. Ils essayèrent de pousser la porte, mais rien à faire ! Celle-ci ne bougea pas d’un millimètre. Bémol avisa une fenêtre qui semblait entrouverte. Dièse lui fit la courte échelle puis se hissa à son tour. L’intérieur de la chaumière était sombre, et l’on n’y distinguait pas grand chose, mais l’on pouvait entendre des sanglots.
–Bouhouhou… snirfl… bouhou !
Se glissant par la fenêtre entrebâillée, la jeune fille et
le renard arrivèrent sur une grande table de bois. Assis devant cette table, le
visage dans les mains, un géant était en train de pleurer.
Dièse toussota, ce qui affola un peu son compagnon à
quatre pattes qui lui fit signe de se taire.
–Qui est là ? demanda le géant en relevant la tête.
Il avait beau regarder droit dans leur direction, il ne semblait pas voir les
deux amis.
–Je… je m’appelle Dièse, dit-elle timidement. Et voici mon
compagnon, le renard Bémol, ajouta-t-elle au grand dam de ce dernier, qui
cherchait un endroit où se cacher.
–Je m’appelle Octave, dit le géant. Vous aussi vous êtes
venus me voler ? Allez-y alors, ne vous gênez pas, je ne peux rien faire
pour vous en empêcher… snif !
–Te voler ? Non, répondit Dièse intriguée, nous
sommes venus te demander un service : pourrais-tu nous prêter ton diapason
magique ? Mes parents n’arrivent pas à se réveiller…
–Mon diapason, soupira Octave. C’est que, hélas, je ne
l’ai plus. On me l’a volé justement !
–Volé ? s’écrièrent en cœur la jeune fille et le
renard.
–Oui, pleurnicha encore le géant. Profitant de mon
sommeil, un méchant sorcier m’a lancé un sortilège pour me rendre aveugle. Il
en a ensuite profité pour me dérober le diapason. Bouhouhou !
Dièse se sentait désespérée : sans le diapason, elle
ne pourrait jamais réveiller ses parents.
–Hum dit-moi Octave, demanda Bémol qui avait cessé de
trembler devant le géant, ce sorcier t’a-t-il dit son nom ?
–Snif ! Et bien en fait, oui, il a dit « Ah ah !
Maintenant plus personne ne pourra m’arrêter, moi Requiem le
sorcier ! ».
–Requiem… hum… oui, Requiem. Je le connais de nom. Et je
sais ou se trouve sa demeure, mais c’est assez loin, et avec ma patte blessée…
–Je pourrais te porter dans mes bras, répondit Octave. Tu
ne dois pas être bien lourd pour moi. Mais je suis aveugle à présent : je
ne peux plus marcher sans me cogner partout…
–Et si je te guidais ? proposa Dièse. Il
suffirait que je m’assoie sur ton épaule, et je pourrais te parler à l’oreille
pour te diriger. Et ainsi, nous pourrons retrouver ton diapason.
t c’est
ainsi que les trois compagnons prirent la route : Bémol indiquait les
directions confortablement installé dans les bras du colosse, que Dièse guidait
pas à pas, assise sur son épaule.
Ils finirent pas atteindre le château de Tierce, où vivait
le terrible sorcier Requiem. Le sinistre château était constitué d’imposantes
murailles et de hautes tours, entourées de douves profondes, hérissées de pieux
et de piques acérées. Toute la forteresse brillait d’un noir profond,
certainement sous l’effet d’un maléfice. Et malheureusement, le pont-levis
était relevé : il était impossible de rentrer. Personne n’était visible
sur les murailles.
Dièse s’égosilla plusieurs minutes à appeler, sans que nul
ne se montre.
–Oh non ! fit Dièse. Comment allons-nous faire ?
–Voyons, dit Bémol, Octave ? A quelle distance
peux-tu sauter ?
–Sans élan, à 10 mètres répondit le géant avec assurance.
–Bien, ça sera suffisant pour franchir les douves, dit le
renard. Tu vas sauter le plus loin possible par-dessus la crevasse, et après,
tu me soulèveras dans tes mains : je me glisserai dans une des
meurtrières, et je viendrai vous ouvrir.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Guidé par Dièse, qui n’était
guère rassurée, le géant sauta sans encombre par-dessus les douves. Bémol se
glissa ensuite dans l’une des ouvertures étroites de la muraille. Quelques
minutes plus tard, le pont-levis s’abaissait. Mais la herse était toujours
baissée : Bémol n’avait pas la force d’actionner la roue qui permettait de
la remonter. Qu’à cela ne tienne : Octave l’agrippa de ses mains
puissantes, et la souleva après quelques efforts.
–C’est très bizarre, dit le renard une fois ses amis à
l’intérieur. Je n’ai vu personne : que des statues de pierre qui vont et
viennent dans le château, comme le feraient des serviteurs. Mais aucune ne
s’est intéressée à moi, même quand je leur ai parlé. Elles sont sans doute
animées par la magie du sorcier…
–Sans doute, dit Dièse, mais elles ne doivent obéir qu’à
lui. Partons à la sa recherche.
Mais Requiem était introuvable. Finalement, Bémol flaira
sa présence, et guida ses deux amis, truffe au sol, jusqu’à l’entrée d’un
souterrain, dont l’escalier s’enfonçait profondément dans le sol. Après de
longues minutes de descente, ils finirent par atteindre une vaste caverne.
Entendant des voix, ils se dirigèrent prudemment vers elles. Il s’agissait bien
de Requiem. Leur tournant le dos, il s’adressait à un gigantesque dragon, qui
paraissait endormi.
–Mouhaha ! Une fois que tu seras réveillé et que je
t’aurai dompté grâce à mes sortilèges, personne ne pourra plus m’arrêter !
Je détruirai ce royaume et ses habitants !
Dièse étouffa un cri alors que Requiem sortait le
diapason d’un sac de toile qu’il portait à la ceinture. Sans attendre, le
sorcier le fit tinter. Un son, pas très fort, mais incroyablement pur en sorti
alors.
Le dragon ouvrit un œil.
Requiem n’avait pas attendu et avait déjà commencé à
lancer son envoûtement… interrompu par le cri d’Octave.
–Mon diapason ! Voleur ! Rend le moi !
Distrait en pleine incantation, le sorcier hésita juste un
instant, ce qui eut pour effet de faire échouer le sortilège. Pleinement
réveillé à présent, le dragon releva la tête et son regard croisa celui du magicien.
Il le croqua en un seul morceau, sans autre forme de procès, avant d’émettre un
petit rot enflammé. Puis il se cura les dents à l’aide d’une de ses griffes. Ce
faisant, il en fit tomber un petit objet métallique qui tinta en touchant le
sol.
–Le diapason ! cria Dièse.
Bien mal lui en prit, car le dragon tourna alors la tête
vers nos trois compagnons, avant de passer une langue gourmande sur ses
babines.
–Dièse, hurla Bémol paniqué, as-tu toujours le flûtiau
dont tu m’avais parlé ?
–Oui, dans mon sac, mais…
–Joue une mélodie ! Il faut endormir ce dragon !
–Mais si je joue, nous allons tous nous endormir !
–Octave et moi allons nous boucher les oreilles. Nous te
réveillerons plus tard avec le diapason ! Joue !
Le dragon s’apprêtait à les dévorer. Dièse tira
l’instrument magique de son sac et commença à jouer, tandis que le renard et le
géant se bouchaient les oreilles. Dièse
senti l’haleine chaude du dragon sur son visage… et fut prise de vertiges. Elle
eut juste le temps d’apercevoir le dragon vaciller en battant des paupières, et
sombra dans le sommeil.
Elle fut réveillée brutalement par un son d’une grande
pureté. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, Octave, le diapason à la main, et Bémol
étaient penchés sur elle l’air inquiet. Elle se trouvait allongée dans la cour
du château de Tierce, mais celui-ci paraissait moins sinistre. Il était
désormais semblable à n’importe quelle
vieille forteresse abandonnée et envahie par la végétation. Autour d’eux, les
statues étaient à présent immobiles. Le renard raconta à la jeune princesse
comment ils avaient ramassé le diapason, grâce au géant car il était coincé
sous une patte du dragon, puis emmené Dièse avec eux à la surface. Octave avait
retrouvé la vue ! Apparemment, tous les maléfices du sorcier avaient
disparu avec lui.
ièse remercia vivement ses deux amis, et tous trois prirent le chemin du palais royal d’Arpège. A leur arrivée, des gardes fidèles à la régente Sixte tentèrent bien de s’interposer et d’empêcher la princesse de voir ses parents. Mais à la vue d’Octave, ils reculèrent prudemment.
Dorémi et Sila s’éveillèrent dès l’instant où leur fille
fit sonner le diapason magique.
La duchesse Sixte fut arrêtée et jugée. Elle et Anapeste
furent déchues de leur titre et bannies du royaume pour le restant de leurs
jours.
Octave fut récompensé pour sa bravoure, et reçu le duché
d’Harmonique en récompense. Quand à Bémol, il fut nommé chancelier du roi, afin
que tout le royaume profite de ses conseils avisés, et il commença par faire
interdire les pièges et la chasse au renard. Et Dièse me direz-vous ? Et
bien elle passa plusieurs semaines à couvrir ses parents de baisers et de
câlins, tant elle était heureuse de les revoir. Bien plus tard, avec l’aide de
Bémol et d’Octave, elle devint une reine avisée et bienveillante. Mais ceci est
une autre histoire…
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