dimanche 3 juin 2012

Dièse et le diapason magique

l était une fois une jeune princesse dénommée Dièse. Dièse était la fille unique du roi Dorémi et de la reine Sila, qui régnaient avec sagesse sur le royaume d’Arpège.

Le roi Dorémi était apprécié et respecté de ses sujets, et le royaume était prospère. Mais la belle-sœur du roi, la duchesse Sixte, était jalouse. Elle et sa fille Anapeste n’avaient de cesse de comploter pour tenter de s’emparer du trône.

Un beau jour, Dorémi et Sila sombrèrent dans un profond sommeil, dont nul ne parvint à les tirer. On fit venir nombre de médecins, d’apothicaires, et de guérisseurs : en vain. Le roi et la reine continuaient de dormir. Dièse était encore trop jeune pour être couronnée, et bien que la duchesse ne fut guère appréciée au sein de la cour, elle fut nommée régente jusqu’à ce que le roi se réveille ou que Dièse soit majeure.

La jeune princesse soupçonnait sa tante et sa cousine d’être en lien avec la maladie du sommeil de ses parents, aussi, un soir elle se rendit discrètement dans la salle du trône et se cacha derrière un rideau. Lorsqu’Anapeste et sa mère y entrèrent, se croyant seules, elles se mirent à deviser.
–Anapeste, as-tu bien caché le flûtiau ?
–Oui-da ma mère ! répondit-elle. Comme vous me l’avez demandé.
–Bien ! Ce soir, tu iras le chercher et tu te rendras dans la chambre de cette sotte de Dièse. Tu joueras un petit morceau.
–Quelle bonne idée ma mère ! Ainsi, nul ne pourra plus nous contester le trône !
–Anapeste ! N’oublie pas de te mettre de la mie de pain dans les oreilles… pour ne pas entendre la mélodie, précisa la comtesse Sixte.
–Cela va de soi, ma mère ! Et après, je replacerai le flûtiau dans sa cachette.




Ayant entendu cela, Dièse s’éclipsa discrètement et se dépêcha de retourner dans sa chambre, non sans avoir fait un détour par les cuisines afin d’y prendre un peu de mie de pain, qu’elle plaça dans ses oreilles.

Elle se glissa dans le lit juste à temps : Anapeste arrivait. Cette dernière ouvrit silencieusement la porte et se mit à jouer du flûtiau. Avec la mie de pain dans les oreilles, la jeune princesse ne pouvait l’entendre, mais elle surveillait sa cousine à travers ses paupières mi-closes. Quand elle la vit repartir, elle se glissa hors de son lit et la suivit à pas de loup. La méchante fille fit un détour par un vieux puits inutilisé, au dessus duquel elle se pencha un instant avant de reprendre sa route. Quand elle eut disparu de sa vue, Dièse se rendit à son tour au vieux puits, et commença à chercher. Elle ne mit guère de temps à trouver un flûtiau de belle facture, dissimulé entre deux pierres.

Se doutant que cet instrument devait avoir un lien avec ce qui était arrivé à ses parents, Dièse décida d’aller consulter sans tarder son vieux précepteur : maître Onôme. Ce dernier était réputé pour sa sagesse et ses grandes connaissances. Examinant le flûtiau, le professeur reconnu un objet magique ancien : quiconque entendait sa mélodie s’endormait pour l’éternité.
–L’éternité ? s’écria Dièse. Ohlala ! Mes pauvres parents !
–Il existe peut être une solution. J’ai entendu parler d’un diapason forgé par un géant, et qui pourrait, dit-on, réveiller même les morts !
–Où peut-on le trouver ? s’écria Dièse qui reprenait espoir.
–Le géant vivrait dans la forêt Harmonique, bien loin d’ici. Mais c’est un voyage périlleux pour une jeune princesse…




ièse ne se laissa pas impressionner par cet avertissement. Elle fit son sac et quitta le château la nuit même. Profitant de la charrette de l’un ou l’autre colporteur, et coupant à travers champs, elle arriva à la forêt Harmonique au bout de quelques jours.
A peine eut-elle fait trois pas dedans, qu’elle entendit gémir. Se dirigeant vers les pleurs, Dièse tomba nez à nez avec un jeune renard. La pauvre bête avait une patte coincée dans un piège, et se tordait de douleur.
–Aide-moi, je t’en supplie ! glapit le renard en voyant Dièse. Sinon je vais devoir me ronger la patte pour me libérer.

Prise de pitié, cette dernière s’escrima sur le piège tant et si bien qu’elle finir par réussir à libérer l’animal. Hélas, la mâchoire du piège l’avait profondément blessé. Dièse le soigna du mieux qu’elle put, mais le pauvre continua de boiter terriblement. Il la remercia cependant chaleureusement.
–Merci ! Merci ! Tu m’as sauvé ! Sans toi j’aurais finir par mourir de douleur. Je m’appelle Bémol, dit-il. Si je peux t’aider de quelque façon, dit-le, et je le ferai.
–Et bien Bémol, peut être peux-tu m’aider en effet. Je recherche un géant qui vit dans cette forêt. Pourrais-tu me conduire à lui ?
–Oh, oui, je sais ou habite le géant. Je peux te conduire à sa demeure, mais pourquoi veux-tu le rencontrer ? C’est dangereux ! On dit les géants très versatiles !

Dièse lui raconta son histoire, pendant que le renard la guidait, clopin-clopant. Les deux compagnons arrivèrent bientôt en vu d’une grande demeure en pierre attenante à une forge.
–Merci de ton aide Bémol. Je vais me débrouiller à présent, dit Dièse.
–Je viens avec toi, répondit le renard. Je ne suis guère rapide avec ma patte blessée, mais je suis rusé. Je te serai peut être utile. Je te dois bien ça !




a jeune fille et son ami s’approchèrent de la grande maison. La porte d’entrée était immense : trois fois la taille d’un homme. Celui qui vivait ici était vraiment un géant. Ils essayèrent de pousser la porte, mais rien à faire ! Celle-ci ne bougea pas d’un millimètre. Bémol avisa une fenêtre qui semblait entrouverte. Dièse lui fit la courte échelle puis se hissa à son tour. L’intérieur de la chaumière était sombre, et l’on n’y distinguait pas grand chose, mais l’on pouvait entendre des sanglots.
–Bouhouhou… snirfl… bouhou !

Se glissant par la fenêtre entrebâillée, la jeune fille et le renard arrivèrent sur une grande table de bois. Assis devant cette table, le visage dans les mains, un géant était en train de pleurer.

Dièse toussota, ce qui affola un peu son compagnon à quatre pattes qui lui fit signe de se taire.
–Qui est là ? demanda le géant en relevant la tête. Il avait beau regarder droit dans leur direction, il ne semblait pas voir les deux amis.
–Je… je m’appelle Dièse, dit-elle timidement. Et voici mon compagnon, le renard Bémol, ajouta-t-elle au grand dam de ce dernier, qui cherchait un endroit où se cacher.
–Je m’appelle Octave, dit le géant. Vous aussi vous êtes venus me voler ? Allez-y alors, ne vous gênez pas, je ne peux rien faire pour vous en empêcher… snif !
–Te voler ? Non, répondit Dièse intriguée, nous sommes venus te demander un service : pourrais-tu nous prêter ton diapason magique ? Mes parents n’arrivent pas à se réveiller…
–Mon diapason, soupira Octave. C’est que, hélas, je ne l’ai plus. On me l’a volé justement !
–Volé ? s’écrièrent en cœur la jeune fille et le renard.
–Oui, pleurnicha encore le géant. Profitant de mon sommeil, un méchant sorcier m’a lancé un sortilège pour me rendre aveugle. Il en a ensuite profité pour me dérober le diapason. Bouhouhou !

Dièse se sentait désespérée : sans le diapason, elle ne pourrait jamais réveiller ses parents.
–Hum dit-moi Octave, demanda Bémol qui avait cessé de trembler devant le géant, ce sorcier t’a-t-il dit son nom ?
–Snif ! Et bien en fait, oui, il a dit « Ah ah ! Maintenant plus personne ne pourra m’arrêter, moi Requiem le sorcier ! ».
–Requiem… hum… oui, Requiem. Je le connais de nom. Et je sais ou se trouve sa demeure, mais c’est assez loin, et avec ma patte blessée…
–Je pourrais te porter dans mes bras, répondit Octave. Tu ne dois pas être bien lourd pour moi. Mais je suis aveugle à présent : je ne peux plus marcher sans me cogner partout…
–Et si je te guidais ? proposa Dièse. Il suffirait que je m’assoie sur ton épaule, et je pourrais te parler à l’oreille pour te diriger. Et ainsi, nous pourrons retrouver ton diapason.



t c’est ainsi que les trois compagnons prirent la route : Bémol indiquait les directions confortablement installé dans les bras du colosse, que Dièse guidait pas à pas, assise sur son épaule.

Ils finirent pas atteindre le château de Tierce, où vivait le terrible sorcier Requiem. Le sinistre château était constitué d’imposantes murailles et de hautes tours, entourées de douves profondes, hérissées de pieux et de piques acérées. Toute la forteresse brillait d’un noir profond, certainement sous l’effet d’un maléfice. Et malheureusement, le pont-levis était relevé : il était impossible de rentrer. Personne n’était visible sur les murailles.

Dièse s’égosilla plusieurs minutes à appeler, sans que nul ne se montre.
–Oh non ! fit Dièse. Comment allons-nous faire ?
–Voyons, dit Bémol, Octave ? A quelle distance peux-tu sauter ?
–Sans élan, à 10 mètres répondit le géant avec assurance.
–Bien, ça sera suffisant pour franchir les douves, dit le renard. Tu vas sauter le plus loin possible par-dessus la crevasse, et après, tu me soulèveras dans tes mains : je me glisserai dans une des meurtrières, et je viendrai vous ouvrir.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Guidé par Dièse, qui n’était guère rassurée, le géant sauta sans encombre par-dessus les douves. Bémol se glissa ensuite dans l’une des ouvertures étroites de la muraille. Quelques minutes plus tard, le pont-levis s’abaissait. Mais la herse était toujours baissée : Bémol n’avait pas la force d’actionner la roue qui permettait de la remonter. Qu’à cela ne tienne : Octave l’agrippa de ses mains puissantes, et la souleva après quelques efforts.
–C’est très bizarre, dit le renard une fois ses amis à l’intérieur. Je n’ai vu personne : que des statues de pierre qui vont et viennent dans le château, comme le feraient des serviteurs. Mais aucune ne s’est intéressée à moi, même quand je leur ai parlé. Elles sont sans doute animées par la magie du sorcier…
–Sans doute, dit Dièse, mais elles ne doivent obéir qu’à lui. Partons à la sa recherche.

Mais Requiem était introuvable. Finalement, Bémol flaira sa présence, et guida ses deux amis, truffe au sol, jusqu’à l’entrée d’un souterrain, dont l’escalier s’enfonçait profondément dans le sol. Après de longues minutes de descente, ils finirent par atteindre une vaste caverne. Entendant des voix, ils se dirigèrent prudemment vers elles. Il s’agissait bien de Requiem. Leur tournant le dos, il s’adressait à un gigantesque dragon, qui paraissait endormi.
–Mouhaha ! Une fois que tu seras réveillé et que je t’aurai dompté grâce à mes sortilèges, personne ne pourra plus m’arrêter ! Je détruirai ce royaume et ses habitants !
Dièse étouffa un cri alors que Requiem sortait le diapason d’un sac de toile qu’il portait à la ceinture. Sans attendre, le sorcier le fit tinter. Un son, pas très fort, mais incroyablement pur en sorti alors.

Le dragon ouvrit un œil.

Requiem n’avait pas attendu et avait déjà commencé à lancer son envoûtement… interrompu par le cri d’Octave.
–Mon diapason ! Voleur ! Rend le moi !
Distrait en pleine incantation, le sorcier hésita juste un instant, ce qui eut pour effet de faire échouer le sortilège. Pleinement réveillé à présent, le dragon releva la tête et son regard croisa celui du magicien. Il le croqua en un seul morceau, sans autre forme de procès, avant d’émettre un petit rot enflammé. Puis il se cura les dents à l’aide d’une de ses griffes. Ce faisant, il en fit tomber un petit objet métallique qui tinta en touchant le sol.
–Le diapason ! cria Dièse.
Bien mal lui en prit, car le dragon tourna alors la tête vers nos trois compagnons, avant de passer une langue gourmande sur ses babines.
–Dièse, hurla Bémol paniqué, as-tu toujours le flûtiau dont tu m’avais parlé ?
–Oui, dans mon sac, mais…
–Joue une mélodie ! Il faut endormir ce dragon !
–Mais si je joue, nous allons tous nous endormir !
–Octave et moi allons nous boucher les oreilles. Nous te réveillerons plus tard avec le diapason ! Joue !

Le dragon s’apprêtait à les dévorer. Dièse tira l’instrument magique de son sac et commença à jouer, tandis que le renard et le géant se bouchaient les oreilles.  Dièse senti l’haleine chaude du dragon sur son visage… et fut prise de vertiges. Elle eut juste le temps d’apercevoir le dragon vaciller en battant des paupières, et sombra dans le sommeil.

Elle fut réveillée brutalement par un son d’une grande pureté. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, Octave, le diapason à la main, et Bémol étaient penchés sur elle l’air inquiet. Elle se trouvait allongée dans la cour du château de Tierce, mais celui-ci paraissait moins sinistre. Il était désormais  semblable à n’importe quelle vieille forteresse abandonnée et envahie par la végétation. Autour d’eux, les statues étaient à présent immobiles. Le renard raconta à la jeune princesse comment ils avaient ramassé le diapason, grâce au géant car il était coincé sous une patte du dragon, puis emmené Dièse avec eux à la surface. Octave avait retrouvé la vue ! Apparemment, tous les maléfices du sorcier avaient disparu avec lui.




ièse remercia vivement ses deux amis, et tous trois prirent le chemin du palais royal d’Arpège. A leur arrivée, des gardes fidèles à la régente Sixte tentèrent bien de s’interposer et d’empêcher la princesse de voir ses parents. Mais à la vue d’Octave, ils reculèrent prudemment.

Dorémi et Sila s’éveillèrent dès l’instant où leur fille fit sonner le diapason magique.
La duchesse Sixte fut arrêtée et jugée. Elle et Anapeste furent déchues de leur titre et bannies du royaume pour le restant de leurs jours.

Octave fut récompensé pour sa bravoure, et reçu le duché d’Harmonique en récompense. Quand à Bémol, il fut nommé chancelier du roi, afin que tout le royaume profite de ses conseils avisés, et il commença par faire interdire les pièges et la chasse au renard. Et Dièse me direz-vous ? Et bien elle passa plusieurs semaines à couvrir ses parents de baisers et de câlins, tant elle était heureuse de les revoir. Bien plus tard, avec l’aide de Bémol et d’Octave, elle devint une reine avisée et bienveillante. Mais ceci est une autre histoire…





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